lundi, février 25, 2013

Pour sortir de la crise, la fin du temps de l’innocence ?


Pour Warren Buffett - qui doit sa fortune à sa capacité à voir plus loin que le marché - la crise est la fin d’un cycle caractérisé par trois “i”. Une phase d’Innovation, où des chercheurs et des ingénieurs imaginent comment changer la vie à l’horizon d’une génération. Ensuite vient le temps de l’Imitation - le règne des commerciaux et des développeurs qui diffusent les produits imaginés par les précédents. Vient enfin le temps des Idioties, où des montages tarabiscotés font croire au monde - comme les financements structurés de l’ère des subprimes - que les arbres plantés par les innovateurs et développés par les imitateurs iront jusqu’au ciel. On pourrait ajouter le “i” des Innocents, qui payent alors le prix de la crise sous forme de chômage ou de perte d’opportunités professionnelles.

Face aux difficultés à joindre les deux bouts, notre pays en crise peine à se projeter dans l’avenir et à retrouver l’envie et les moyens à changer la vie de la prochaine génération. Paradoxalement, c’est pourtant là que réside le début du cycle et la sortie de crise, en débloquant trois leviers, collectifs, individuels et financiers.
Collectivement, il faut accepter un “devoir de vérité”. C’est l’esprit des accords compétitivité emploi, qui permettent d’ajuster les coûts plutôt que l’emploi. Ce sont les “stress test” des banques, la maitrise des déficits publics ou la fameuse “paille de fer” passée par les nouveaux dirigeants sur les comptes de leur entreprise. Car rien ne se construit sur des objectifs intenables ou des comptes faux.  Il faut ensuite retrouver une confiance collective suffisante pour construire à nouveau. Francis Fukuyama soulignait six critères communs à tous les groupes humains (pays, tribus … ou entreprises) caractérisés par une forte confiance mutuelle : l’existence de sous-groupe de taille humaine (tels les 50 personnes qui forment le chantier, brique élémentaire même dans les projets les plus gigantesques), l’existence de frontières nettes permettant de définir qui fait partie du groupe, l’intensité des relations en son sein, l’existence de valeurs et d’une culture commune, le niveau de justice entre les membres et, enfin, le niveau de transparence au sein du groupe. Autant de critères presque désuets à l’ère de la mondialisation, des amis facebook et des anonymous...

Individuellement, nous devons retrouver la capacité à construire l’avenir. Nous avons besoin d’entrepreneurs innovants pour inventer de nouveaux marchés. Mais nous avons également besoin d’intrapreneurs, qui vont bousculer les grandes entreprises ou les administrations. Car si certaines innovations naissent dans des startups, d’autres nécessitent une infrastructure ou des moyens qu’on ne trouve que dans des entreprises devenues grandes. L’ignorer c’est nous condamner à voir des innovations en France mais les développements à l’étranger.

Nous devons enfin donner des moyens à nos rêves. C’est vrai pour l’Etat, dont les investissements sont la première victime des réductions de déficit. Alors qu’il faudrait faire l’inverse : moins de déficits, mais plus d’investissements, autant pour préparer la croissance de demain que pour préserver celle d’aujourd’hui. Car le “multiplicateur” (l’augmentation de croissance induite par une hausse de dépenses) des investissements est de loin le plus élevé. C’est aussi vrai pour les entreprises, dont les dépenses de recherche pâtissent de la crise. A cet égard la stabilisation du crédit impôt recherche pour 5 ans est salutaire. L’appui au commerce extérieur l’est tout autant : aucune entreprise n’investissant sans marchés, il est nécessaire d’aller la chercher ailleurs la croissance qui nous fait défaut pour le moment.

Dans une économie où plus de la moitié des fonds des entreprises cotées viennent de l’étranger, ces derniers doivent enfin retrouver de notre pays une image davantage tournée vers l’avenir, et marquée par des valeurs plus positives qu’une taxe à 75 % ou les imprécations d’un fabricant de pneumatiques provocateur. Sans remettre en cause la solidarité envers les innocents touchés par la crise, la reprise ne viendra que lorsque nous arriverons à convaincre le monde de partager nos rêves d’avenir. Pour cela, commençons par mettre ces rêves au centre de nos débats !